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13/02/2018

La Corée du Sud ou La Muse

La Corée du sud  ou La Muse

                                                                                                                         

                     

 

                                                                                                                                                                                    In human life, economics precedes politics or culture.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Park Chung Hee

                                                 

                            

                            

Poursuivons encore la nécessité de la suprématie stratégique en l’illustrant cette fois-ci par le leadership de Park Chung Hee, père du miracle coréen.

Nous ne ferons guère cas des prouesses qui furent les siennes afin de mener à bien un renversement  d’une situation politique. Seuls, nous intéressent la vision, la démarche stratégique, le patriotisme, la détermination, la volonté de ne pas tenir compte des avis satrapiques de la Banque Mondiale, bref contre vents et marées en finir avec la domination étrangère, le désœuvrement, la désintégration, finalement saisir une opportunité de renouveau national, l’occasion de surmonter des siècles de retard.

 

Park influencé par le Miracle du Japon, prit le modèle de développement du Miti et le mit sur des stéroïdes. Son régime exerçait un contrôle gouvernemental sur l’économie avec une férocité dépassant celle du « Monstre » Sahashi  et ses cohortes du Miti. Dans le processus, il créait de liens entre le gouvernement, la communauté des affaires et la finance identiques à ceux  du Miti.

Il est important de souligner qu’en raison de la nature du pouvoir de Park, la stratégie élaborée par celui-ci défiait beaucoup plus le consensus de l’économie classique que  celle conçue par le Miti  du Japon.

L’économiste Alice Amsden dans une étude des politiques économiques de Park qualifia la Corée du sud comme un exemple d’une nouvelle façon d’industrialiser qui brave les assertions longtemps exprimées par des générations d’économistes.

Le succès de Park contribuait aussi à l’un des thèmes les plus controversés du miracle, celui qu’un développement économique rapide exige  un pouvoir autoritaire. Son régime fut désigné comme celui de « la dictature développementaliste » ; qu’on devrait nécessairement et subtilement examiner  à la lumière de la  « pseudo-démocratie a-développementaliste » qui fait florès sur le continent africain.

Cela dit, nous allons dans les lignes qui suivent nous  focaliser peu ou prou à quelques décisions stratégiques, volontaristes et non velléitaires de Park qui transformèrent radicalement le devenir  de la Corée du sud tout en contribuant on ne peut plus à son miracle exceptionnel de par le monde.

 

                                                                                                        Autoroute ou la voie expresse Seoul-Pusan

 

Park était devenu obsédé par la construction d’autoroutes en Corée du sud après une visite de l’Allemagne de l’Ouest en 1964. Alors qu’il circulait à vive allure sur  une autoroute, il fut si impressionné qu’il demanda à deux reprises au chauffeur de s’arrêter d’examiner la chaussée, les lignes de démarcation et d’autres éléments.

Au cours d’une séance de travail, un officiel allemand lui présenta une carte représentant le réseau étendu des routes de l’Allemagne de l’Ouest et lui exposa dans les grandes lignes les avantages économiques ou sous-jacents. Park comprit tout l’intérêt d’un système d’autoroutes afin d’aiguillonner, encourager le commerce et développer l’efficience et l’efficacité.

Relier Séoul et Pusan, les deux grandes  villes de la Corée du sud avec une autoroute ou une voie rapide devint donc la première priorité de Park. Il y avait peu de Coréens qui adhérèrent à ce projet. En 1965, le gouvernement demanda à la Banque Mondiale de mener une étude inhérente au réseau routier de la Corée du sud. La réponse proposée était un programme de constructions beaucoup plus modeste, sans autoroutes ou voies rapides principales.

Park rejeta platement l’étude, bien que le niveau de l’investissement dépassait les cibles de son plan à cinq ans, en effet, il ne serait guère  polichinelle de rappeler que  le coût projeté de l’autoroute simple Séoul-Pusan était supérieur à la totalité du budget national de 1967. Il va sans dire qu’il continua à rencontrer une opposition farouche à ce projet. L’assemble nationale habituellement accommodante et docile refusa initialement de financer cet investissement, il en était de même des membres de son propre parti. Néanmoins, il restait ferme et pensait que la Corée  du sud  avait ……………………….. d’autoroutes  beaucoup plus tôt que ne le recommandait la Banque mondiale.

Il ne jeta guère l’éponge, et surcroît se chargea lui-même du projet à bras le corps. Il  demanda à des collaborateurs de collecter toutes les informations relatives à la construction de l’autoroute reliant les Andes à la Sibérie et il se mit à les dévorer. Il n’eut de cesse à parcourir la Corée du sud avec le Ministre des travaux publics, en traçant point par point sur un bloc à dessin en équilibre sur ses genoux l’autoroute à construire.

Au cours de la construction, l’hélicoptère de Park était omniprésent et se précipitant de site en site afin de régler des problèmes. Si Park n’avait pas de réponse à un problème le mardi, il revenait le jeudi ou le vendredi en attente d’une réponse ainsi s’exprimait un ingénieur qui avait travaillé sur le projet de l’autoroute.

A la fin, Park obtint son autoroute en un temps record, en à peine deux années et cinq mois en 1970, le chantier de quatre cent vingt  huit kilomètres de chemin bitumé était terminé avec une économie de 40% par rapport au coût initial en raison d’une solution par contournement d’obstacles à la place  percer un tunnel.

 

 

 

                                                                                                         POSCO (Pohang Iron & Steel Company)

                                                                                                               ‘’ Projet plus corsé’’

 

Il s’agit ici d’un autre projet de Park contre toute attente, une entreprise d’acier et de chemin de fer.

Des toutes les missions industrielles innombrables, aucune ne comptait plus pour Park que le rêve de construire une usine sidérurgique. Il considérait que l’acier était le cœur du  développement industriel de la Corée, un composant nécessaire pour la construction, l’industrie lourde, et les infrastructures. De surcroît, Park considérait que l’acier était vital pour se défendre contre la Corée du nord. N’écrivit-il pas de sa propre main sur l’étendard  de la POSCO qui flotte encore à son siège social, que l’acier était l’énergie nationale.  

D’aucuns considéraient cette usine sidérurgique, comme un projet plus  loufoque, fantaisiste, une lubie comparativement à l’autoroute Opus citatum. Car la Corée du sud ne maitrisait pas la technologie, pas d’ingénieurs formés avec une expérience dans la sidérurgie, pas d’argent, pas de matières premières et un maigre marché domestique qui n’absorberait guère la production d’une usine géante qui avait la faveur de Park.

Une fois de plus, la doxa de la Banque Mondiale concluait qu’il  s’agissait bel et bien d’une proposition prématurée et sans faisabilité économique.

Park ne lâcha guère prise comme à l’accoutumée, par ailleurs très consterné que le pays ne pouvait  démarrer le projet, il l’inscrivit dans son plan à cinq ans. Il se tourna vers Park Tae Jon, le jeune colonel qui l’avait soutenu lors de son coup d’état. Celui-ci était investi de mener à bien ledit projet, eu égard à la réussite d’un pilotage d’un précédent extrêmement délicat et difficile, bien qu’il n’eut peu ou prou des antécédents managériaux. Nous ne serons guère prolixes ici sur les différentes négociations et obstacles que dut surmonter Park Tae Jon, qui pourtant méritent une narration épique  pour servir de leçon à ceux qui font preuve plutôt de velléité et non de volonté.

 

Dussions-nous rappeler que personne ne voulait investir dans cette usine sidérurgique, parce que nombre gens pensaient que la base économique de la Corée du sud  était  fragile et faible pour la  justifier, scandait Park Tae Jon. Au summum du désespoir quant à la réalisation du projet, y avait-il quelques raisons d’espérer ?

En de telles circonstances, une introspection soutenue fraye  à tout le moins des voies de sorties de crise, encore qu’il faille rester aux aguets, sur le qui-vive. Le problème à la base n’était-il pas d’abord celui de son financement ? Park Tae Jon  …………………. une idée capitale, pourquoi se demanda-t-’il, ne pas utiliser les fonds de réparation provenant du Japon pour financer la POSCO ?  

J’aurais dû y penser beaucoup plutôt se dit-il, mais à son corps  défendant,  nous pouvons énoncer  pour le dédouaner que « la  pensée n’est-elle pas un éclair au milieu d’une longue nuit, mais un éclair qui est tout » en paraphrasant Henri Poincaré, l’initiateur et le père  de la topologie algébrique, le plus grand mathématicien de son temps et probablement de tous les temps.

A la suite de quoi, en 1973, les deux Park de conserve se servirent d’une tige enflammée pour allumer le haut fourneau de l’usine sidérurgique POSCO, inaugurant ainsi l’âge d’acier de la Corée.

Comme Park Chung Hee l’avait anticipé et prévu, POSCO posait la fondation de l’étape suivante relativement au long miracle de la Corée du sud et  chemin faisant celle-ci démontrait encore une fois que les experts avaient tort.

 

 

 

 

 

Transformation structurelle de l’économie coréenne

Mimétisme fécond  du Miti.

 

Park estimait que l’acier n’était qu’une partie d’un plus grand pour restructurer l’économie coréenne. 

Les exportations de chaussures  et des chemises avaient  réussi à faire démarrer la croissance en Corée du sud, mais au début des années 1970, la croissance marquait le pas, Park pensait que le pays faisait face à des coûts croissants, de plus la Corée ne pouvait plus compter sur des industries manufacturières « laboristiques » (à main d’œuvre abondante).

Comme Sahashi au Japon, Park souhaitait changer la structure de l’économie en des industries qui exigeaient des grandes usines, beaucoup d’argent, un management hautement qualifié et l’acier de POSCO.

La transformation économique du Japon et son succès avec l’industrie lourde convainquirent Park que la Corée du  sud devrait faire de même. Park voulait développer une industrie de la défense afin que le pays puisse produire  ses propres armes.

Derechef, personne dans son gouvernement n’était d’accord. Son ministère  de l’économie  s’opposait à la mutation  qui s’imposait. Le puissant E.P.B (Economic Planning Board) prétendait que l’économie coréenne était simplement de petite  taille  et trop fragile afin de poursuivre un tel programme industriel massif.

Le désaccord tournait en des vifs débats entre le président et les représentants de l’E.P.B (conseil de la planification économique) lors des sessions ministérielles. Park appela en vain, une série de sessions spéciales pour résoudre les différences.

Park choisit de s’impliquer à bras le corps encore une fois. Son programme d’industrialisation lourde annoncé en 1973 est souvent dénommé « Big Push ».

Afin de contourner ses ministres grincheux et vindicatifs, Park créa à la maison bleue (Présidence) le corps de la planification et de la gestion des industries lourdes et chimiques qui usurpa le pouvoir de l’E.P.B dans ces secteurs. Le président et ledit  corps  sélectionnèrent six industries focales : la construction navale, l’électronique, l’acier, les métaux, les machines, et la chimie.

La nouvelle équipe décida également de créer de grands complexes industriels autour du pays pour héberger ces nouvelles usines et ces nouveaux chantiers navals. Les entreprises qui embrassaient ces secteurs d’activité, bénéficiaient d’un financement préférentiel et des réductions des coûts de transport et d’électricité.

Park tenait que toute  nouvelle usine  soit une des meilleures et des plus  grandes de par le monde et devait être glorifiée comme la  plus rapidement jamais construite, la plus efficiente jamais mise en exploitation comme s’il s’agissait de jouer des coudes pour obtenir une meilleure place dans le Guinness book.

Le programme « Big Push » poussait doucement l’économie vers des secteurs d’activité pour lesquels la Corée est bien connue de nos jours  notamment - une construction navale pleine de vitalité, une industrie automobile dynamique et les industries automobiles - en outre définissait la structure d’entreprise.

Le gouvernement sélectionnait non seulement les industries et les projets, mais aussi les hommes d’affaires ou les managers qui aimeraient les diriger. Park développa des relations professionnelles et parfois personnelles avec une poignée de dirigeants d’entreprise  qui mirent en œuvre le plan de l’industrie lourde, comme résultat, il donna naissance à de gigantesques conglomérats, les chaebols à l’image des kereitsu Japon vinrent à dominer le commerce et l’économie.

Ces groupes d’affaires tentaculaires jaillissant du néant et dirigés par des familles devinrent les moteurs de croissance de la Corée et aujourd’hui Samsung, Hyundai, Lg et autres  sont des noms partout reconnus de par le monde.

Terminons cette anamnèse relative des prouesses de la Corée en spécifiant que la stabilisation macroéconomique est bien insuffisante  pour rendre compte du miracle Coréen et que la suprématie de la démarche stratégique est manifeste quant à l’herméneutique de ce succès et que de plus, Park avait anticipé ce que Bernard Maris, économiste de grand talent froidement et lâchement assassiné dans les locaux de Charly Hebdo écrira plus tard :

 

 «  ……….. On commence enfin à comprendre pourquoi les « experts »peuvent vendre n’importe quoi cultivé sous serre. Il y  a des milliers d’experts. Mais les plus caricaturaux sont indiscutablement ceux du FMI.

Après le FMI, il n’est même plus besoin de parler des bureaux de l’OCDE, vraiment trop à la botte, ou des nigauds de la Banque Mondiale, toujours prêts à se reprocher d’avoir gaspillé de l’argent pendant trois générations tout en continuant à le faire ».  In Lettre ouvert aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles.

 

 

Les Nègres, dans l’histoire, ont subjugué pendant trois mille ans la race blanche. Visiter le tombeau de Ramsès III, si vous osez interpréter correctement la réalité des peintures murales. Aujourd’hui, ils sont à la veille d’un nouveau départ, après  avoir été vendus au kg par l’Occident. « Au siècle dernier, les négrillons étaient  vendus au kg en  Amérique ». Tant mieux pour les racistes, s’ils trouvent qu’ils sont les plus  intelligents ; de  quoi s’inquiètent-ils alors [1]?

De l’Afrique, l’histoire retiendra qu’après avoir été vidée de sa population la plus saine pour développer le Nouveau Monde, elle a fait l’objet d’un partage à Berlin et que le pacte colonial qui la livrait en morceaux au monde « civilisé » l’a meurtrie politiquement, humiliée moralement et appauvrie économiquement pendant trois quarts  de siècle.

L’histoire  retiendra  que ceux de ses fils qui ont tenté de la faire respecter ont péri l’un après l’autre, par des mains africaines sans avoir le temps de la servir. L’histoire retiendra aussi que, pour l’asservir, l’instrument a varié dans le temps : le colon aventurier, le missionnaire, le militaire, l’administrateur, le  mercenaire, le coopérant technique, l’expert en développement. Elle devrait retenir qu’un seul instrument, plus puissant, n’a pas changé de nom : la monnaie.

L’Afrique se fera donc par la monnaie, la maîtrise des sciences et des techniques, par conséquent, la mobilisation de ses intelligences et des ressources dont elles regorgent et, à chaque instant sur les pieds garde, aux aguets, sans concession aucune, elle devra avoir à l’esprit cette assertion, combien stratégique de feu le Pr Cheikh Anta Diop : « La fraternisation sincère des peuples et l’unification planétaire seront réalisables à partir du moment où les différents  peuples seront également forts au point qu’aucun ne puisse espérer tromper l’autre ».

 

[1]    Civilisation ou Barbarie page 88

     Mr  David A. Johnson

     Professeur des Universités

     david.johnson@mailhec.com